Dans le minuscule cabinet rue de la Gare, N. me reçoit avec son sourire doux et accueillant.
Sans besoin de parler, chacun de nous se prépare à la séance .
Nous allons chercher un langage pour communiquer avec mon corps Qui depuis quelques années m’envoient des messages par des douleurs, des pathologies, dont, je cherche à me débarrasser avec le moins de violence possible.
J’ai décidé d’inviter la douceur dans ma vie, pas très présente jusqu’ici, et c’est pour cela que je viens régulièrement prendre un cours de douceur chez N.
Mon dos, ma jambe, mon estomac, mon sommeil… la liste des symptômes est longue, je crois que tous ont un message à découvrir.
N. sait parler au corps en douceur.
Je suis allongée sur le tatami. Il prends mes pieds dans ses mains. Il écarte délicatement les 2 gros orteils souffrant d’allux valgus et tapote les talons, frotte très légèrement la voûte plantaire. Comme s’il avait lancé un pavé dans une marre, je sent des cercles vibrationnels monter le long de la jambe, jusqu’au bas du dos, puis le long des vertèbres. Ce matin cela réveille une crispation à la hanche gauche, N. vient alors sur ce côté, appuie légèrement sur le flanc, fait vibrer, apaise en lissant ma propre main, effleure l’épaule gauche. Ceci déclenche en moi un fou rire spectaculaire, que je n’arrive pas à retenir , ni à arrêter. N. se met également à rire. Je sens mon corps se détendre et les côtes s’ouvrir de bonheur.
Il repart vers les pieds. Pendant ce travail, avant et après les rires, mon corps est traversé de douleurs qui se réveillent le long de la colonne et aux hanches. Comme si un fil de fer s’était enroulé autour de ma colonne et que, en ce moment il se déroulait dans le sens opposé pour la libérer. Une sorte de serpent qui se dé-tord.
A la hanche l’impression est d’un énorme clou long et pointu qui me transperce l’os jusqu’au milieu du dos près des vertèbre: alors je pense que même tous mes traumatismes physiques et psychologiques de cette vie ne suffisent pas à expliquer à quel point mon corps à dû se crisper pour affronter les choses et survivre en compensant, en prenant de mauvaises postures, en bloquant certains points.
Je pense alors que j’ai dû arriver dans ce monde avec un paquet de souci absorbés dans le ventre de maman, qui lui appartiennent et aussi à sa maman et toutes les ancêtres qui nous ont précédé.
La vie en Sardaigne, au fil des générations, en remontant le temps, n’a pas dû être facile tous les jours. Région âpre et très pauvre… Ce matin c’était le rire, d’autres fois j’ai pleuré, et d’autres fois encore j’ai juste écouté ce qui se passait en moi.
Ce matin N. m’a dis qu’en touchant mon talon il a ressenti dans son corps la crispation de ma hanche. J’ai ressenti à ce moment en moi son ressenti. Ce qui me dit que le champ magnétique fonctionne même sans contact corporel. Comment alors ne pas penser à quel point vraiment nous sommes unis dans un même champs de vibrations, un même bain d’ondes que nous ne pouvons que ressentir et nous laisser nous émouvoir.
Comme dit N. le corps, chaque corps trouve ses chemins en nous, nos nerfs élargissent ainsi leur réseaux et je découvre en rentrant avec un énorme plaisir le goût d’une orange coupée en quartiers, le bruit léger qu’il fait lorsque les dents écrasent les alvéoles d’où sort ce gout vanillé et sublime. J’observe à travers la fenêtre le merle qui, comme tous les jours, est venu se poser sur l’érable qui recouvre le mur d’en face et les nuages gris qui passent dans le ciel.
On pourrait penser que la nature est indifférente à ce qui nous arrive, moi en ce moment je la sens nous observer et nous embrasser tendrement.
Laura Atzei